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Entretien avec Guillaume Vincent, réalisateur de Terre des ours, en salle le 26 février
Terre des ours est le premier documentaire animalier filmé en 3D en milieu naturel, avec des animaux sauvages. Raconté par Marion Cotillard, ce long métrage tourné avec l'équipe de James Cameron sur la péninsule du Kamtchatka, dans l'Extrême-Orient russe, filme au plus près les plantigrades. Entretien avec Guillaume Vincent, auteur de nombreux documentaires animaliers* pour la télévision.
• Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce film animalier novateur ?
Avant même de penser à un film en 3D, nous réfléchissions, avec Thierry Commissionat, l'un des producteurs, à un animal cinématographique que l'on pourrait suivre au fil des quatre saisons. Nous avons très vite pensé à l'ours, qui suscite à la fois la sympathie et la crainte. Yves Paccalet a immédiatement pensé au Kamchatka pour le tournage. Tout y est cinématographique ! Ses paysages se prêtaient parfaitement bien à l’utilisation de la 3D-relief. Et le fait que les ours bruns n'y sont plus chassés depuis au moins 80 ans, et très peu braconnés, a permis cette proximité. Ils ne nous identifient pas comme des dangers, nous n'avions pas besoin d'affût et n'avons jamais utilisé de focales au-delà de 250 mm. Nous avons pu les filmer à deux ou trois mètres parfois sans qu’ils nous fuient. Vu le poids de notre matériel, nous aurions été incapables de les suivre !
• Pourquoi le choix de la 3D ?
Il fallait que les spectateurs aient la sensation d’être au plus près des ours et pas
seulement à un poste d’observation. Nous souhaitions réaliser un film en relief qui ne fait pas mal aux yeux ! Nous avons défini un type de relief allant dans le sens du film : fort mais naturel, avec un travail très précis sur les matières, les détails, comme sur la profondeur des vastes paysages. Les rendus de matières sont particulièrement étonnants : les minéraux, les poils des ours, les herbes,
l’eau…
• Comment monte-t-on un projet d'une telle envergure ?
Le fait de tourner en 3D a quasiment doublé le budget du film, soit 6 millions d'euros, car cela nécessitait une grosse préparation technique. James Cameron nous a fourni un matériel parfaitement au point sur la 3D, c'est-à-dire des complexes de deux caméras avec tout l’appareillage qui les synchronise, mais il fallait l'adapter aux conditions météo extrêmes du Kamtchatka. L'essentiel de l'action se concentre sur l'été. Les équipes terrestre, aérienne et sous-marine tournaient donc en parallèle.
• Vous êtes-vous conformé au scénario écrit avec Yves Paccalet ?
Ce documentaire n'est en rien "fictionné" mais les grands thèmes que nous voulions aborder étaient bien en place, avec quelques séquences incontournables en termes de comportements, en particulier lorsque la femelle se sépare de ses petits. Il ressort du film ce que l'on voulait y mettre. Certaines scènes n'avaient même jamais été observées dans la nature, comme ce rassemblement de plus de soixante ours dans la rivière…
• Les 27 semaines de tournage ont été suivies d'un gros travail sur le son…
Nous avons travaillé 20 semaines sur la bande-son pour renforcer la proximité avec les ours. Ils produisent en effet des sons très rentrés qu'on ne perçoit qu'à côté d'eux. Nous avons été également attentifs à des petits sons en apparence anodins, comme le craquement des brindilles ou le souffle du vent, qui contribuent à mon sens au plaisir d'être dans la nature.
• Vous travaillez beaucoup pour la télévision. Pensez-vous que le documentaire animalier y est suffisamment représenté ?
On peut regretter qu'il n'existe pas de département dédié au documentaire animalier à la télévision française, contrairement à l'Angleterre. Pour le cinéma, en revanche, il faut des sujets forts, même s'il n'y a pas de fiction et si tout est vrai.
• Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?
Il s'agit d'un nouveau film en 3D sur les baleines à bosse et autres géants de la mer, comme les orques, qui constituent en quelque sorte nos représentants dans les océans. Il s'appellera tout simplement Les Géants.
Propos recueillis par Catherine Levesque.
* Les Gibbons de Phuket (1997), Insectes en société (1998), La Cité des fourmis (1999), Le Singe qui a traversé la mer (2004), Washoe, le singe qui parle avec les mains (1993), Et Dieu créa le singe (1994), Taïga, ceux qui marchent dans les pas du tigre (2005).
Propos recueillis par Catherine Levesque.
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